jeudi 14 mai 2009

Mercredi, les vaches ont pissé, il a plu.

Les nuits blanches sont fatales, on dit que cela équivaut à un taux de 0,5 gramme d’alcool dans le sang, la « défonce tranquille ». L'album de Teitur dans les oreilles, je cherche quelque chose à regarder autre que les yeux des voyageurs, ça me gène terriblement. Le monsieur en face de moi ne s'abaisse pas à ce genre de préoccupations, il garde les yeux rivés sur son journal l'Équipe, le ballon de football est peut-être allé ailleurs que dans les filets hier soir. Probablement. Mon regard s'échappe par la vitre, scrutant un paysage qu'il a vu défiler des milliers de fois depuis deux ans, les choses ont peut-être changé. Tout change, c'est inévitable, pourquoi pas aujourd'hui ?

Autour des voies ferrées, c'est un monde à part, figé, vidé, bloqué depuis le début, les bâtiments typiques d'un passé industriel glorieux restent debout, par fierté, comme pour dire qu'ils sont et resteront toujours là. Ils sont morts. Tous. Ils défilent les uns à la suite des autres, bombant le torse de leur plus belle toiture, exhibant leurs pylônes rouillés comme pour affirmer fébrilement leur virilité , dévoilent leurs plus beaux apparats, leurs plus belles ferrailleries. Bling Bling. Ils apparaissent, disparaissent, défilent, passent ; les caténaires, fils conducteurs de ce passage en revues, battent la mesure. La synchronisation est parfaite, dans mes oreilles la batterie s'adapte, les vibrations du train me soulèvent. Tadap Tadap, Tadap, Tadap.

Les lignes des rails filent, ne reste plus qu'une géométrie hasardeuse, une fuite en avant où les lumières du wagon se mêlent au dehors. Je suis dans un clip psychédélique où le sens n'a plus d'importance, seule compte cette fuite en avant et cette musique enivrante qui se répète encore et toujours. Tadap Tadap. Le paysage s'obscurcit, la rouille devient marron, le gris des nuages devient noir, seul l'éclairage du train parvient à percer cette obscurité latente. Tadap Tadap.

Je voyais des lignes, je voyais des couleurs, je ne vois plus rien. Je ne sais même pas à cet instant ce que je vois, si je peux voir. Tadap.

Mercredi, les vaches ont pissé, il a plu.
Le train détruit ce qui l'entoure, comme la lave fraie son chemin sur des pentes désolées. Ce jour-la, le train m'a eu, je me suis endormi jusqu'à Herblay, 10 stations trop loin.

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